À Corneille

 
< Page Bibliographie
 
 
 Vieux père des héros, âme antique, ô Corneille,

Ô poète dont l'œuvre est haute et nous conseille,
Ô grand homme ! — l'année a ramené ton jour,
Et comme tous les ans, maître, à date pareille,
Nous venons saluer ta gloire avec amour.

Grand forgeron gaulois qui tordis sur l'enclume
De vieux glaives romains pour en forger tes vers,
Sous nos pieds de vaincus vois, le sol rouge fume…
Mais c'est toi qu'on invoque ! et, même en ses revers,
Ta France patiente étonne l'Univers.

Nous comprenons Paris quand tu prononces Rome :
Nos fils, nobles vaincus, se sont dit qu'à la fois
Ils sont, comme Corneille, et latins et gaulois…
Dans ta tombe de gloire entends frémir, grand homme,
Leur cœur réconforté par ton nom, par ta voix !

Es-tu content de nous ? content de ta patrie ?
A-t-elle bien souffert, ayant assez lutté,
Et, calme en ses malheurs, pâle encore et meurtrie,
Ressaisissant l'outil pour le glaive quitté,
Montré dans la défaite un courage indompté ?

Es-tu content, chanteur des bravoures antiques ?
Sens-tu ta race en nous souffrir d'un cœur constant ?
Sens-tu venir en nous, fort comme un flot montant,
L'esprit renouvelé des vieilles Républiques ?
— Voici le laurier vert, Corneille !... Es-tu content ?

[Théâtre (1911), volume II, pages 163-166.]